Découvrez l’interview d’Anick-Marie du blog Globestoppeuse, une voyageuse passionnée par l’auto-stop !
1. Anick-Marie, pouvez-vous présenter votre parcours et vos expériences ?
La version courte (tl;dr) : je suis une aventurière solo de l’écomobilité qui se spécialise dans l’auto-stop, avec plus de 150 000 km au compteur, et le vélo électrique solaire avec un trajet France – Kazakhstan en 2013 et des implications auprès du rallye SunTrip depuis.
La version longue : j’ai eu une jeunesse difficile qui m’a catapulté très tôt dans une vie d’adulte. Je crois que c’est ce qui m’a donné envie de voyager, de prendre une pause hors de l’état de survie pour vivre un peu de déraison. Un premier diplôme technique en poche en santé et sécurité du travail, je me suis permis de faire des études par plaisir d’apprendre et non par objectif professionnel. C’est ce qui m’a permis de me rendre à Montpellier pour un échange étudiant, en Licence de Biochimie. Puis, tout est allé très vite : l’immersion anglaise à Terre Neuve, des études de Sciences Politiques, la coopération internationale au Pérou, un retour à mon archipel natal, les îles de la Madeleine, Rimouski, le burn out et trois ans de nomadisme en Europe sans billet de retour…
Lors de ces années de baroude, j’ai vécu un PVT, j’ai été fille au pair, j’ai récolté de la nourriture dans des poubelles, rencontré des nomades de l’extrême, agi bénévolement pour la sécurité sur le réseau CouchSurfing, intégré l’auto-stop dans ma vie et appris les rudiments de l’allemand et du turc. J’en ai bavé et j’ai trippé…
Mais il me manquait un petit quelque chose, une intégration, un accomplissement. C’est de ce manque qu’est née l’idée d’écrire un livre sur l’auto-stop. J’en étais encore à la phase de recherche quand Nans Thomassey (de Nus et culottés) et son pote Guillaume Charroin m’ont proposé de coécrire un petit guide du grand vagabond qui deviendra ensuite La Bible du grand Voyageur chez Lonely Planet. Sauf qu’à l’époque, on s’imaginait difficilement pouvoir le publier. Ça m’a poussé à fonder Globestoppeuse, un blog vitrine de mon expertise de la culture stop, d’autant plus qu’il s’agissait du premier site féminin sur la thématique.
Puis un jour, malade chronique et déprimée, j’ai reçu une invitation à un rallye de vélos solaires de la France au Kazakhstan, le SunTrip. J’ai refusé tout net… et changé d’idée deux semaines plus tard. Quelques leçons de Russe plus tard, j’atteignais l’Asie centrale en solitaire, au bout de 80 jours de route. J’en ai tiré un récit, Aventures à vélo solaire, en auto-édition, et je suis demeurée très impliquée dans le Sun Trip depuis.
J’ignore quelle sera la prochaine aventure, mais je sais qu’elle me plongera dans l’écriture !
2. En quoi voyager est une passion pour vous ?
Je pense qu’il s’agit surtout de la trame de mon existence. D’ailleurs, je parle rarement de voyage ni de vacances, mais plus souvent de déplacement, d’aventure, de nomadisme. Je parcours, je rends visite à des copines, j’élargis mon territoire comme j’agrandis ma zone de confort. En ce sens, ça ne me gêne pas de peu me déplacer tant que je vis une aventure, tant que j’apprends. Je préfère me poser longtemps quelque part, apprendre la langue, la cuisine, vivre quelques coutumes, sentir que je suis plus versatile, plus flexible… Et comme j’aime cette vie, ce mode de vie nomade, on peut dire que c’est une passion parce que ça fonde ma façon de concevoir mon univers et mes relations.
3. Quelles sont vos prochaines destinations ?
Mon état de santé étant délicat en ce moment, je n’ai planifié qu’un gros « voyage » cette année mis à part l’Écosse où nous avons passé le nouvel an. Avec mon mari, nous allons rendre visite à une copine au Gabon et nous y resterons un mois, avec au programme trois provinces à découvrir : Estuaire, Haut-Ogooué et Ogooué-Maritime.
Je rêve d’une longue excursion sportive dans le Pamir, quand ma santé sera meilleure, et de découvrir enfin la Baltique en auto-stop puisque c’est une région européenne que je ne connais guère.
4. Souhaitez-vous partager quelques souvenirs ou anecdotes marquantes, lors de vos voyages, avec nous ?
En stop, les anecdotes vont du meilleur au pire – c’est une plongée profonde dans l’humain avec tout ce qu’il a de plus beau et de plus moche. Mon kidnapping en Allemagne fut très marquant en ce qu’il m’a amené à reconsidérer ma pratique et à penser le stop en termes d’évaluation du risque et de pratique féministe. À partir de là, je me suis préparée à peu près pour tout et les mauvaises expériences ont fini par faire partie du bruit de fond de mes souvenirs de stop…
Certaines expériences sont simplement très intenses : de longues discussions avec un meurtrier en probation, accompagner une Anglaise recouverte d’ecchymoses pour porter plainte en Allemagne contre son conjoint fidjien, parler du sens de la famille avec un routier Ukrainien très croyant père de 13 enfants… Et puis il y a tout ce qui n’est pas forcément lié à l’auto-stop : les invitations à dormir, les séjours Couchsurfing dans des familles très riches ou au contraire très pauvres, les dons spontanés de nourriture… Je pense notamment à l’hospitalité incroyable reçue en Asie centrale lors de mon voyage à vélo solaire au Kazakhstan. On me demandait systématiquement avant toute chose si j’avais besoin d’eau et de nourriture avant de me poser des questions sur mon vélo… et sur mon mari !
5. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la pratique de l’auto stop ?
Quelle autre façon de voyager peut de nos jours se targuer d’être à la fois gratuite, conviviale, interculturelle, interlinguistique, écologique et aventurière ? Bien peu, il faut l’avouer. Malgré une société globalement individualiste, le stop persiste et signe comme une façon brute de rencontrer les habitants d’une région traversée. L’auto-stop vous amène à développer l’organe de la gratitude, à apprivoiser la liberté mais aussi à vous responsabiliser : vos humeurs comme vos décisions vous appartiennent entièrement.
L’auto-stop, c’est une façon de faire de chaque déplacement une odyssée. Il vole au-dessus de la mêlée, défiant la société de consommation, le VGV (voyage à grande vitesse), le temps-horloge de contrôle si cher à notre civilisation. Bien qu’il ne convienne pas à tout le monde ni à tous les déplacements, tous ceux qui le pratiquent vous diront qu’il a changé leur perception du monde.
Tant qu’il y aura des places libres dans les véhicules qui se déplacent sur les routes, l’auto-stop aura sa place au sein des voyages.
6. Vos meilleurs conseils pour nos lecteurs afin de voyager ?
Le voyage est avant tout un état d’esprit, une curiosité à cultiver en soi. On peut rêver d’aller très loin…ou pas ! Chaque voyage commence par un par hors de sa normalité, de son quotidien. Vous pouvez voyager tous les jours, si vous le voulez !
Pour des conseils plus techniques, j’ai cinq grands conseils pour les voyageuses aventurières : rencontrer d’autres voyageuses, soigner sa préparation mentale, faire preuve d’assurance, étendre progressivement sa zone de confort et oser demander de l’aide !
7. Comment en êtes-vous venue à créer ce blog ?
Pendant de nombreuses années, j’étais impliquée sur Couchsurfing et Hitchwiki, deux réseaux de voyage alternatif. J’y échangeais en anglais principalement avec des Européens voyageurs comme moi. J’avais même acquis une certaine réputation d’expertise auprès de ces publics. Cependant, je n’avais pas d’existence francophone. Les blogs d’influence et les réseaux sociaux en étaient à leurs balbutiements. J’avais moi-même eu un blog anonyme pendant de nombreuses années, mais l’envie d’avoir une vitrine sur mon travail ne m’est seulement venue qu’au moment d’écrire mon premier livre, La Bible du grand voyageur. J’avais conscience du fait que cet ouvrage allait très loin dans la marge et qu’il était possible qu’aucun éditeur ne veuille s’y risquer. J’ai donc créé Globestoppeuse afin d’assurer mes arrières si nous devions nous auto-éditer. Évidemment, rien ne s’est passé comme prévu, Lonely Planet a joué avec nous le jeu et mon blog a pris son envol dans les mois qui ont suivi, surtout lorsque j’ai commencé à être active sur Twitter.
Je compte faire évoluer le blog bientôt vers une formule plus statique, plus axée sur la documentation du phénomène stop que sur la publication d’articles chronologiques. Je vis un appel littéraire que je ne saurais refouler !
Si l’interview d’Anick-Marie vous a intéressé, vous pouvez également découvrir les locations de vacances en Écosse, les locations d’appartement au Kazakhstan ou les appartements de vacances en France.
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