Tu connais Antoine de Maximy, le mec de J’irai dormir chez vous ? Lui et moi, on est pareil. Ok, je n’ai pas de caméra, on ne m’a jamais payée pour voyager (mais si ça intéresse quelqu’un, je suis dispo) et je dors rarement chez des inconnus (Hum… mes parents lisent cet article). Mais on a en commun le principal : on se marre pas mal tout seul et, surtout, on voyage assez souvent. Alors, en partant en vacances avec Damien, un ami pas vraiment baroudeur, je ne doutais pas d’avoir plein de conseils à lui donner. Pourtant, c’est lui qui m’a offert l’une de plus importantes leçons de voyage.
En mai 2015, alors que je voyage en solitaire dans les Balkans, nous décidons de nous retrouver au Monténégro. Nous nous rejoignons dans la bien-nommée ville de Bar et choisissons vite une terrasse pour attaquer l’apéro. Le serveur s’approche : « heuuuu Hello… You have… pfff… un bailey’s ? » J’éclate de rire. C’est la première fois que j’entends Damien parler anglais. Accent frenchy avec une pointe de terroir landais sur grammaire traumatisée : il nous fait la totale (quant au bailey’s… on a tous un copain un peu chelou).
Je me moque gentiment… Pas trop non plus. Il faut dire que de ma part, ce serait mal venu : je ne suis pas vraiment fluent. Pour la faire courte, je suis un peu meilleure qu’Affida Turner, mais j’ai de sacrées lacunes en grammaire. Alors quand je culpabilise trop devant les affiches du Wall Street Institut, je regarde un épisode de GOT en VO (avec les sous-titres, faut pas abuser non plus) et ça me donne l’impression de pouvoir devenir bilingue en 2 épisodes. Pour le moment, c’est plutôt un échec : j’en suis à la 4ème saison et je suis juste tombée amoureuse d’un nain. Alors en attendant de pouvoir draguer Peter Dinklage en VO, c’est gentiment que je me moque de l’anglais de Damien et on passe vite à une conversation plus intéressante, à savoir « t’as-vucomme-c’est-trop-beau-ici-quand-je-pense-à-tous-ceux-qui-sont-pas-en-vacances-ahahah-lescons-ils-doivent-être-dégoûtés ».
Quatre jours plus tard, partis en vadrouille toute la journée, nous sommes dans un bus qui nous y ramène dans le stari grad, la vieille ville, de Kotor.
Damien se tourne vers moi :
– Tu peux demander au chauffeur de nous arrêter devant la vieille ville ? (oui, là-bas, on peut faire ça. Prends ça vieux chauffeur parisien qui t’arrête même pas au feu rouge…)
– Ca marche. Je me dirige donc vers le chauffeur et lui tape sur l’épaule.
– Please, is it possible to stop us in front of the old town ? ». HE MERDE. La tête du chauffeur est explicite : yeux perdus, tête qui dodeline, et vague geste de la main, c’est la PANIQUE A BORD. S’ensuit un bafouillement : « heu… Heu… no… Bus station… bus station ! ».
Un sourire pour détendre le chauffeur, je reviens vers mon ami et me rassois, flegmatique : « Boh… je ne sais pas… il m’a dit « bus station » ; je pense qu’il nous dépose là-bas. Ca a dû le saouler.
– Non mais Momo ! T’as vu comment tu lui as demandé ?! Laisse, j’y vais ». (oui, niveau surnom, je ne suis pas gâtée). Intriguée, je ne réponds pas et observe Damien. Tapotant à son tour l’épaule du chauffeur, il prononce distinctement cette magnifique nonphrase, mélange d’anglais et de monténégrin : «Stop stari grad ? ».
Et là, le chauffeur a une REVELATION. Une vraie, la même que quand tu découvres que Bruce Willis est mort (Et bam, ni vu ni connu, le spoil du 6ème sens 15 ans plus tard, tu l’attendais pas celle-là) : il tourne la tête, et, avec un grand sourire, lève le pouce en s’écriant « OK ! ». Revenu à sa place, Damien se tourne vers moi : « tu vois, c’est pas qu’il ne voulait pas, c’est juste qu’il n’avait pas compris ».
J’éclate de rire. Je viens de prendre la meilleure leçon de langue de ma vie.
Oui, c’est pratique de parler anglais. Ca permet de rencontrer des tas de personnes. De découvrir des cultures différentes. De nouer de belles amitiés avec des gens venus de partout. Mais une langue est avant tout un moyen de communication. Aussi étrange que cela puisse paraitre, trop bien la parler peut être un obstacle. Une phrase compliquée, et l’autre se perd. Il faut adapter son niveau à celui de son interlocuteur. Et souvent, l’autre ne parle pas mieux que nous… Alors, quand on veut partir, nul besoin d’être bilingue. On peut apprendre la grammaire, mais l’essentiel n’est pas là. Pour se comprendre, rien de plus simple : écouter, prendre son temps, être attentif à l’autre… et sourire.
Jusqu’à présent, je n’ai jamais visité un pays dans lequel ça n’était pas compris.
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